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Bienvenue sur le blog du Triathlon Weppes / Flandre-Lys, le club idéalement posé entre les monts de l'Artois et ceux de Flandre! Vous pouvez nous contacter à l'adresse suivante: TWFL5962@orange.fr N'hésitez pas et rejoignez-nous: osez triathlon!

11 Oct

IM Barcelona, 5 octobre 2014

Publié par Sébastien B.  - Catégories :  #Histoires de triathlon

By hook or by crook !

Pour ceux qui avaient l’habitude de lire mes comptes-rendus de course sur le forum Triathlète-Attitude, j’espère ne pas vous fâcher en vous amenant ‘de force’ sur ce blog. Si je vous perturbe, je vous prie de bien vouloir m’en excuser… je ne suis qu’amour, vous le savez !

Pour ceux qui arrivent ici par curiosité (et surtout par Facebook !), soyez les bienvenus (vous pouvez rester…) . Vous trouverez matière à lire d’autres récits de mes aventures triathlétiques sur le forum susnommé – avec , en vrac, de l’humour, de l’aventure, du suspense et des gros mots qui font rire les enfants (mais çà ne dure jamais longtemps – un beau dommage, d’ailleurs…).

Point de tout çà en ces lieux toutefois : je prends mon nouveau rôle de président de club très au sérieux et dorénavant, je serai respectueux, concis et univoque – les chiffres, rien que les chiffres (ou pas…) !

Barcelona or bust !

J’inaugure donc la rubrique ’histoires de triathlon’ avec le récit de mon premier Ironman couru dimanche dernier, 5 octobre 2014.

Sans vouloir faire de la psychologie de bazar, j’avais été positivement impressionné, enfant, par les images de l’arrivée de Julie Moss à Hawaii diffusées un dimanche soir de 1982 sur Antenne 2 (mais çà, c’était avant). Je pense que les journalistes prenaient, à l’époque, les triathlètes pour des masochistes débiles de la pire espèce, mais, chez moi, çà avait fait office de révélateur : je veux faire çà… plus tard… un jour… peut-être ?

J’ai donc pris part, dès que j’ai pu, à des triathlons ‘promotion’ (500+20+5), au début des années ’90, avant de passer à d’autres saines activités : faire des enfants, jouer aux jeux vidéos et prendre du poids. Mais l’envie d’Ironman ne m’a jamais quitté et, étant sapeur-pompier, donc entouré de triathlètes hyper-compétitifs, j’ai toujours maintenu le contact avec cette pratique, lisant la presse spécialisée, tentant des come-backs improbables, continuant à rêver.

La bonne occasion arrive fin 2011 quand, au hasard d’un changement d’affectation, j’intègre un groupe de runners/trailers qui pratiquent leur sport pendant les pauses méridiennes et me remettent en selle.

Moi qui n’ai jamais jusqu’alors couru plus de 15 km, roulé plus de 95km ou nagé plus de quelques longueurs, j’occupe les trois saisons qui suivent à ‘casser’ les distances : Lille-Hardelot, deux marathons, et sept half IM au compteur vont m’amener tranquillement vers mon objectif premier, à savoir, participer, et idéalement terminer, un distance Ironman (3.8+180+42.2).

Challenge Maresme ?

Mon pote, Fred P., annonce assez tôt après sa belle performance à Roth qu’il compte participer à une autre course XXL labellisée ‘Challenge’ dans la banlieue de Barcelone, à Calella, province de Maresme – en Espagne, donc !

Ayant décidé de tenter le coup dès 2014 pour ma troisième saison et considérant que les courses ‘Challenge’, bien que tout aussi bien organisées, sont moins onéreuses que leurs homologues marquées du M-dot rouge, je lui emboîte le pas immédiatement et nous bénéficions des tarifs d’ouverture super attractifs. Ma première tentative IM sera donc un Challenge de fin de saison, ce qui me laisse toute l’année pour me préparer sereinement.

Quelques mois plus tard, un marathon et trois 113 (courus avec des fortunes diverses) plus tard, je m’apprête à prendre la route vers ce ‘truc’ qui me fout les jetons et qui s’est transformé en ‘Ironman Barcelona’ suite au rachat de la course par la franchise américaine – ce qui, fondamentalement, ne change rien. Reste que je ne me suis finalement pas vraiment bien préparé et que çà risque de piquer grave !!!

Une préparation indigente [mode Caliméro : off]

Sans trop rentrer dans les détails, je n’ai pas su faire preuve de l’assiduité nécessaire à une bonne préparation pour ce genre d’épreuve. Ma responsabilité, ma faute. Reste que près d’un an de plan, c’est trop long, même si je l’ai divisé en deux parties (pré et post marathon de Paris) et qu’il faudra en tenir compte pour les prochaines saisons (en diversifiant les pratiques ? en sélectionnant des objectifs moins éloignés ?).

Alors que j’aurais du fournir près de 200 heures d’entraînements structurés les quinze dernières semaines (ce qui n’est déjà pas énorme comme volume de préparation pour un IM !), j’ai péniblement atteint 100 heures avec un effondrement des durées à neuf semaines de l’objectif (les douze dernières semaines étant réputées cruciales !). Clair que je n’étais pas près d’être menacé par un syndrome de surentraînement !!! Il y a des explications à tout çà : en vrac, une bronchite chronique qui ne m’a pas lâché, ou encore deux semaines mal placées sous le cagnard de Tunisie – il y a pire quand il pleut en France, mais il y a mieux pour s’entraîner à un IM !

J’ai cependant pu me rassurer en nageant correctement (comprendre : lentement mais pas fatigué) les 3000m du Ch’triman et en roulant fort (35+ de moyenne) les 90km de Vichy.

C’est donc empli de doute (mais avec quelques certitudes quand même !) que je me présente au seuil de l’appart’ de Fred ce mercredi soir pour faire une petite escale avant d’attaquer la route vers l’inconnu…

La soirée est très agréable, autour d’un bon petit plat de poisson et d’une glace Mc Do! On parle Japon avec Fanny, mais les heures défilent et la nuit va être courte.

Au petit matin, nous allons récupérer François B., un ami de Fred, à deux doigts de se faire tirer son spad par des jeunes indélicats fumants des cigarettes qui font rire! Nous chargeons le matériel et nous voilà réunis au grand complet prêts à rejoindre notre destination finale d’une seule traite.

Nous prenons néanmoins le temps de déjeuner et de nous arrêter quand nous en avons envie ou besoin, et les heures, comme les kilomètres, défilent fort vite, comme avalés, au rythme de nos conversations et au son de Bodycount. C’est l’occasion, pour Fred, de dégainer son iPhone et de commencer à documenter notre périple. Les premiers commentaires ne tardent pas à pleuvoir (le garçon est extrêmement populaire !) et certains appelleront des représailles à mon retour (n’est-ce pas Jean-No’ ?). C’est bon de se sentir soutenu, même à distance – merci à tous, pour les gentils mots !

IM Barcelona, 5 octobre 2014

I got 99 problems but a bitch ain’t one

Nous nous présentons vers 17h00 à notre hôtel, l’Haromar, situé idéalement à quelques mètres du village exposants sur le front de mer. Il est encore tôt et nous avons largement le temps de retirer nos sacs (contenant tout le nécessaire : dossier de course, bonnet, dossard, stickers, à l’exception notable de la puce de chronométrage qui nous sera remise plus tard !) et de nous balader sur le site. Il n’est que jeudi soir, et ce n’est pas encore l’effervescence. Pour tout dire, l’ambiance est même un peu morne, ce qui occasionne une petite déception… C’est pas sensé être la fête ?

A l’hôtel, les chambres doubles sont un peu petites et je ne regrette pas, au final, de m’y trouver seul : je me sers du second lit pour étaler les milliards d’objets divers que j’ai emportés avec moi et dont je ne me servirai pas (bidons, gels, outils, etc.).

Sur la route, Fred nous a proposé un programme de séances pour les derniers jours précédant l’épreuve, et il est déjà temps de s’y mettre. Ce soir, ce sera nage en mer sans combarde (800m) et course à pieds le long du parcours de dimanche (5km). Les conditions sont vraiment agréables, voire idéales, alors, forcément, le moral suit la même trajectoire. Seul bémol : en regardant les bulletins météo locaux, on s’aperçoit qu’un seul jour sera marqué par la pluie… Au hasard ? Dimanche…

On se retrouve en bas de l’hôtel après une douche bien méritée et nous nous mettons en quête d’un restaurant afin d’y manger des pâtes. Nous jetterons notre dévolu sur une pizzéria, la Mamma Mia, au service agréable et à la nourriture sympa, qui deviendra notre cantine pour le séjour, dans l’esprit de la chanson : ‘here I go again, my my, how can I resist you’ ! La présence d’un Burger King tout proche va quand même m’amener à engouffrer un Double Whopper, en plus de ma Calzone, et je vais digérer des oignons toute la nuit. Heureusement, nous ne sommes que jeudi soir, et je vais me ressaisir…

IM Barcelona, 5 octobre 2014

J-2 : Oscar est dans la place, Ghislaine n’est jamais loin…

La nuit a été d’un calme étonnant et apprécié. Je me rends au p’tit dèj’ de l’hôtel accompagné de Fred et on s’aperçoit rapidement que le buffet ne brille pas par sa variété ou par l’extrême qualité des produits proposés. Pas grave, çà suffira quand même largement à nous sustenter.

Nous sommes alors abordés par une petite dame, volubile, dans un joli ensemble vélo IM aux couleurs discrètes (marron et fuschia !) de l’Oktoberfest – genre chemise à carreaux et culotte de peau, mais pour cyclistes. Française, elle nous raconte sa vie sportive en trois minutes chrono, et on se paye une bonne tranche de rire. Ghislaine est un vrai personnage et elle sera le fil rouge de notre séjour.

Fin de matinée, on se retrouve une fois de plus à l’accueil de l’hôtel pour réaliser une reconnaissance du début du parcours vélo. Gonflage en règle des pneus et boyaux et séance de pose pour la postérité. J’ai prévu plusieurs tenues, histoire de ne pas sentir le poney le jour J – c’est donc vêtu de blanc que je vais réaliser quelques tours de manivelle avec Fred et François. Ce dernier, vététiste accompli part bille en tête, et le rythme est soutenu – un peu trop à mon goût. D’ailleurs, les vingt premiers kilomètres du parcours, qu’on m’avait vendu plat comme une limande, forment une succession de montées et de descentes. Jamais bien longues ni difficiles, mais à prendre trois fois dans chaque sens, elles risquent de nous rester en travers des pattes dimanche ! Achtung !

On appuie tous un peu sur les pédales quand même, et François accélère encore sur le retour. Décidé à ne pas griller de cartouche inutilement, je reste au niveau de Fred et grand bien m’en prend puisqu’il crève de l’avant peu de temps après. Le temps de réparation est relativement court grâce à l’utilisation d’une bombe anti-crevaison, mais on serre les miches pendant dix bornes quand même priant pour que çà tienne !

Les deux côtés de la route sont noirs de cyclistes, comme nous en reco’, et, pour le coup, je me sens définitivement dans le trip IM. J’y suis, je me sens bien, je suis légitime : tout est A-okay !

IM Barcelona, 5 octobre 2014IM Barcelona, 5 octobre 2014IM Barcelona, 5 octobre 2014
IM Barcelona, 5 octobre 2014IM Barcelona, 5 octobre 2014

De retour à l’hôtel (45km à 34 de moyenne, hyper faciles sans vent), nous décidons d’aller déjeuner et les garçons sont chauds pour manger sur la plage, de nombreux ‘restaurants’ type paillottes étant prêts à nous accueillir. Entretemps, Jean-Yves, arrivé sur les lieux, m’a laissé un message sur mon répondeur et au moment de le rappeler, il doit couper court à notre conversation, évitant la prune de peu (apparemment , l’utilisation du GSM au volant est réglementée également en Espagne !). Je parviens néanmoins à comprendre qu’il a déjà retiré son paquetage et qu’il cherche encore son hôtel.

A table, l’art culinaire de nos hôtes se limite à la bière pression. Pour le reste, le service est lent et ma pizza, trop cuite. Les nachos + guacamole, par contre, étaient sympas mais avaient le goût de trop peu. On termine par une glace aussi culpabilisante que dispensable, mais on passe un très bon moment, rejoints, enfin, par Jean-Yves/Oscar et son acolyte Eric venu lui servir de logisticien de luxe !

J’adore les wallons, leur humour et leur accent, et ces deux là ne dérogent en rien à la règle : un bonheur ! On échange nos informations sur le parcours, nos craintes, nos espérances et on valide le fait qu’il n’existe que deux plans possible pour la course de dimanche : plan A – on est debout sur les freins toute la journée, on fait une course d’attente et on croise les doigts (attention ! tous les doigts !) pour que çà tienne ; plan B – on attaque le vélo à bloc, et on court le marathon avec ce qu’il nous restera dans les chaussettes.

On profite encore un peu du soleil et du ciel immaculé (comment peuvent-ils annoncer de la pluie pour après-demain ?) et on se donne rendez-vous à 17h00 pour aller nager, en combinaison néoprène cette fois.

Ayant une bonne heure à tuer, nous allons visiter le village exposants et la boutique IM. J’achète une boîte de Saltstick et reste extrêmement raisonnable ne prenant que deux T-shirts bon marché et la serviette de piscine commémorative de l’évènement (avec MON nom dessus !!!).

Autour de nous, c’est la valse des T-shirts finisher de tous acabits et de toutes origines géographiques, des mollets noueux et rasés de près et des pecs saillants : bienvenue au temple du muscle de la confrérie de la douleur !

On parvient utilement à tester la boisson isotonique qui nous sera servie pendant la course : c’est citronné et çà passe bien ! On achète quelques barres et gels de la même marque – Nutrisport, et çà semble être de la bonne came, mais, dans le doute, j’ai emmené avec moi tout ce qu’il faut pour me ravitailler pour, au moins, deux IM !

Sauvez Willy !

J’arrive seul à l’heure convenue, François ayant déjà nagé au petit matin et Fred étant occupé à soigner son bronzage et là, je découvre Jean-Yves en train de s’extirper de sa combarde en râlant !

Lui : çà ne va jamais aller ! J’ai fait 50 mètres, et il y a trop de vagues, je vais être malade, c’est sûr…

Moi : qu’est-ce que tu me chantes ? Remets ta combarde et viens nager avec nous, çà va le faire !

Lui : mais… mais… elle est toute mouillée ! Je ne vais pas savoir l’enfiler !

Moi : tut !tut !tut ! tsssk ! tsssk ! habille toi, je vais chercher Fred et on y va…

Au final, nous parviendrons à nager tranquillement et à nous orienter sur le parcours malgré le soleil se réverbérant sur le miroir formé par la surface de l’eau – et à rassurer notre bon Oscar ! Si j’avais su qu’il me mettrait une telle mine deux jours plus tard, j’aurais moins insisté… Arf !

La soirée se passe sans encombres, hormis les pleurs sonores du petit voisin italien nouvellement arrivé, mais qui a le bon goût de s’éteindre à une heure raisonnable ! L’objectif : dormir, se reposer. Demain, il y a encore du pain sur la planche…

IM Barcelona, 5 octobre 2014
IM Barcelona, 5 octobre 2014

J-1 : roule avec les stars !

La veille d’une course est l’occasion, pour moi, de mettre en place un protocole simple et efficace qui fait se toucher les deux malheureux neurones de la compétition que je possède, celui de la lenteur vitesse et celui de l’endurance : ce que j’appelle un déblocage - çà consiste prosaïquement à enchaîner 60’ de vélo à un rythme légèrement supérieur à celui prévu le lendemain et 20’ de càp en relâchant bien et en y ajoutant quelques lignes droites.

Et comme on n’avait pas testé la mer dans les conditions de course, on démarre donc avec une sortie en combinaison pour mettre un peu de rythme aux alentours de 8h du matin. Je vais nager dans les pieds de Fred, et, alors que je semblais plutôt à l’aise les jours précédents, je vais avoir de la difficulté à accrocher mes compagnons de séjour. Ils nagent mieux que moi les rascals (et çà se confirmera le lendemain !). On tape les 1200m en 23’ et des poussières, et je sors néanmoins en bonne forme, pas entamé et confiant.

Pour l’enchaînement bike + run, j’ai donné rendez-vous à Jean-Yves qui se pointe à l’heure dite. On démarre à quatre, mais rapidement, Fred et François décident de ne pas nous suivre. Il faut dire qu’avec Jean-Yves, on essaye de pisser le plus haut possible sur le CLM de l’autre, et en roulant, c’est pas facile…

On se retape donc les successions de bosses du départ, et on décide de couper notre effort au bout de 20’ pour rebrousser chemin – Oscar est pressé, il doit aller assister au briefing et on doit encore courir !

Sur le retour, on évoque encore une fois les différentes possibilités stratégiques qui nous sont offertes (plans A et B) sans être capables de nous décider, mais Jean-Yves ayant un PB sur half à 4h58’ contre 5h24’ pour moi et eu égard à son passé de winner à bicyclette, je ne doute pas trop de son envie d’en découdre… Moi, je suis dans le schwartz… En même temps, il considère qu’il a de super jambes, et il trouve çà louche. ‘Toutes mes bonnes courses, j’avais les jambes lourdes la veille… Fait chier !’.

C’est le moment que je choisis pour me mettre en mode Mister Magoo (je suis myope)…

Moi : oh loulou, tu vois ce que je vois dans le lointain ? C’est un homme ou une femme ? Si c’est une femme, elle doit être jolie…

Lui : … sais pô, on va voir…

(on se rapproche subrepticement, en pédalant comme des rats morts de faim !)

Moi : ouais, elle est jolie ! Et elle envoie du steak, grave !

Elle, inconsciente du danger, continue à mouliner tout léger dans les bosses et à avoiner sur le plat, gainée dans sa combinaison intégrale, mollets fuselés, bronzage top, casque profilé Red Bull, position aéro à pleurer et Shiv S-Works écarlate qui me rappelle vaguement quelque chose.

On s’accroche dans sa roue, puis je la dépasse, histoire de… non mais ! Elle me double à son tour – soit je ne roule pas assez vite, soit je lui pourris sa séance. Jean-Yves remets une couche à plus de 40 à l’heure, je prends sa roue et elle nous double une fois de plus… Hey ! Elle a un liseré de championne du monde sur la manche droite de sa tenue !!!

Moi, dans un souffle : t’as vu l’engin ! Elle a été étudiée en soufflerie, cette nana !

Lui, discrètement : elle pousse les watts, la p’tite dame !

A l’occasion d’une dernière petite bosse, je la remonte une dernière fois et lui glisse ‘you’re too damn fast for me !’ Grand sourire ultra-brite de la demoiselle, et là, je percute enfin ‘You’re Camilla (Pedersen), right ? !’. Elle acquiesce avec un nouveau sourire. ‘Have a great race tomorrow !’. On est sur le plat, on a terminé notre séance, elle repart pour un tour et nous livre un dernier grand sourire en nous croisant ! La classe !

Camilla Pedersen, gravement accidentée l’année dernière et qui vient juste de remporter les championnats du monde LD en Chine et qui était déjà sur le podium de ceux de Belfort en 2013 ! C’est pour cette proximité avec les pros que j’aime ce sport… Délire, non ?

edit: elle terminera la course à la deuxième place!!!

A peine remis de nos émotions, on dépose les vélos dans ma chambre d’hôtel et nous sommes rejoints par Eric qui va nous accompagner pendant notre petit footing. On fait un aller de 10’ tout cool, puis on accélère sur le retour à la demande de Jean-Yves qui râle encore : ‘tu te rends compte ? J’étais facile à 3’45 au kilo la semaine dernière pour mon 10km vallonné que je claque en 41’, et là, je ne sais pas tenir 5’15…’

Si je résume bien, Jean-Yves : tu as le mal de mer, t’as des bonnes jambes à vélo, ce qui est mauvais signe et tu te traînes à 5’15 en càp. Je suis prêt à prendre les paris : tu vas faire une course de merde ! J’en suis certain…

Douchés, on repart avec Fred et François pour trouver un endroit où déjeuner. On tombera sur un chouette restaurant au cadre vraiment sympa, mais bon ! Un des plus importants moments du WE arrive : la dépose des vélos et des sacs dans la zone de transition.

T’es en baskets ? Tu rentres pas…

On s’active afin de tout préparer à la hâte, on case les sacs T1/T2 bleu/rouge dans le grand sac IM fourni par l’organisateur, et hop ! En route !

Moi : ‘hey, Fred ? T’as pris ta carte d’identité ?’

Lui : ‘bah non ! On nous la demande jamais…’

Moi, plus bas : ‘moi, j’la prends au cas où…’

On grimpe sur les spads, et on pédale tranquillement vers le parc à vélo qui se trouve à 1.5km de l‘aire d’arrivée (donc de notre hôtel). Je roule tranquillement sans me soucier du chemin en schiste, mais quand je me retourne je ne vois plus les autres. Effrayés par la nature caillouteuse du revêtement, ils ne prennent pas le risque de crever et portent leurs vélos.

C’est donc seul que je me présente à l’enregistrement et les queues sont déjà longues comme une nuit d’hiver. Fort heureusement, trois files sont mises en place, selon les numéros de dossard attribués et la mienne est quasi vide. Content, Roscoe ! Les athlètes parlent et font la gueule : il faut présenter une pièce d’identité… Bam ! J’le savais ! (ou j’ai eu du bol/nez/flair)

Je suis tout en bout de ligne P (comme ‘performance’ ou ‘putain, j’vais en chier’), et Jean-Yves (qui a envoyé Eric chercher sa CNI) est à l’autre bout de la ligne O (comme ‘Oscar’, enfin un bon présage pour notre ami superstitieux comme un cycliste…). Fred parvient également à passer les cerbères de l’entrée qui nous dispatchent les time-chips, mais, lui comme les autres, devra revenir présenter la preuve de son identité. Juste le temps de trouver sa place et de dégonfler ses boyaux, au cas où, et il est déjà reparti vers l’hôtel pour récupérer ses papiers et ceux de François qui fait toujours la queue.

C’est clairement pas le moment le plus sympa du weekend qu’on est en train de vivre, mais bon ! On laisse la zone de transition inondée de soleil, et on se demande comment cette météo pourra s’inverser d’ici à demain. On se prend à rêver d’une course au sec, mais pas trop chaude, siouplé !

Sur le retour vers l’hôtel, Jean-Yves et moi-même nous séparons et je retrouve, quelques mètres plus loin, un Fred, passablement énervé, qui revient avec les précieux sésames . Forcément, je fais le malin, comme d’habe’, sur le mode ‘j’t’avais prévenu, t’as pas voulu m’écouter, blah, blah !’ et je sens rapidement qu’il faut que je me taise, la gentillesse naturelle du Big Guy cédant sous les coups de boutoir de mon sarcasme. En clair, pas envie de m’en prendre une…

On rejoint François, et chacun peut régulariser sa situation. La fin de la journée se passe dans le calme, chacun affairé à ses derniers préparatifs. L’ambiance est bonne et nous sommes sereins. On convient de se retrouver au p’tit dèj’ dès 5h30’, après, les dés seront jetés et on sera partis sur une voie à sens unique pour une loooooooooongue journée !

IM Barcelona, 5 octobre 2014IM Barcelona, 5 octobre 2014

D-Day: Thunder and lightning !

J’ai bien dormi, presque huit heures, et d’un sommeil sans rêve. Mon protocole des jours précédents ne m’a pas impacté physiquement : pas de troubles GI, pas de fatigue… JE VAIS BIEN !

Il faut dire que je n’ai pas ingurgité de maltodextrose (que je soupçonne fortement de me pourrir mes courses – et mes WC ! depuis trois ans…), et que je ne prendrai ni Gatosport (30’ à 180°c pour ceux qui me suivent !), ni Sportdej. Basta, la biochimie amusante ! Juste un cacheton de Sportenine matin et soir les deux jours précédents comme me l’a suggéré Fred.

Le petit déjeuner de l’Haromar auquel on commence à s’habituer ne nous présente pas toutes les garanties en termes de plein d’énergie et d’assurance tous risques anti-bonking. Pas grave ! Un p’tit sandwich au pain complet avec de la charcuterie et du beurre (argh ! c’est pas digeste me disent les copains… bin, j’savais pô…), un jus de fruits chimique et trop sucré et un café noir, et hop ! On y va, les gars ?

6h45, j’attends seul sur le parvis de l’hôtel. Un flash de lumière attire mon attention par delà les arbres qui bordent la plage. Puis un autre, quelques minutes plus tard. Et un troisième. Je me mets à penser qu’il s’agit d’un projecteur halogène défectueux et pas de la foudre, aucun roulement de tonnerre n’accompagnant ces manifestations lumineuses.

7h00, je suis rejoins et nous nous mettons en route.

7h01, les premières gouttes nous tombent dessus. Au bout de quelques centaines de mètres, il pleut à verse. En arrivant au parc à vélos, on se rend compte que les barrières ont été renversées par le vent : çà pue !

On se dépêche de gonfler nos pneus et boyaux à toc et de déposer les bidons et on se retrouve assis et trempés sur les bancs de la tente cathédrale, dans le noir avec les 2000+ participants, les plombs ayant visiblement sauté… Dehors, c’est le carnage et des pensées négatives commencent à m’assaillir.

Moi : Fred, on est des chats noirs ou quoi ? T’étais à NY quand le marathon a été annulé à cause d’une tempête, on était tous les deux à Belfort quand ils ont transformé les championnats du monde en duathlon à cause du froid, j’étais sous les grêles à Gravelines cette année pour les championnats de France… On n’a vraiment pas de bol !

Lui : ouais, grave…

Alors, on se remonte le moral comme on peut, à la lueur des frontales et des smartphones.

Pour reprendre la phrase mythique de Mel Brooks dans Frankenstein Jr (à moins que ce ne soit de Marty Feldman ?) : ‘çà pourrait être pire, il pourrait pleuvoir…’

Les minutes s’enchaînent, lentes et pénibles, au son des AAAAAAH ! quand les lumières s’allument enfin et des OOOOOOH ! quand les plombs sautent quelques secondes plus tard. Jean-Yves nous rejoint, et il semble déjà dans sa course, très concentré.

D’autres sont déjà engoncés dans leur néoprène, au chaud, quand l’organisateur nous invite à quitter la tente et à rejoindre la zone de départ. On avance, la tête basse et dans un silence de mort qui forme un anti-climax alors que rien n’a encore commencé. Le parcours que nous emprunterons (peut-être) en course à pieds est détrempé et se déforme sous l’effet de l’eau qui ruisselle. Je m’inquiéterai de ce problème plus tard.

Le reste, comme on dit, ‘is history’. On largue les sacs blancs, l’organisateur nous fait un peu languir mais nous distille des bribes d’information qui font rapidement comprendre aux anglophiles que la course va être retardée de 30’ mais qu’elle va avoir lieu dans des conditions normales (You will be racing A FULL IM !) ! OUF ! On n’aura pas investi du temps, de l’argent et de l’énergie pour rien dans cette aventure.

A partir de 9 h, les vagues de partants se présentent à la queue leu-leu dans le double-sas (très bien pensé) et on sent la grosse machine Ironman enfin sur des rails. Je gobe mon gel à T-5’.

9h18, on a les pieds dans l’eau et on regarde la vague de Fred faire de l’écume sur la méditerranée et un retardataire démarrer sa course en chasse patate, perdu, seul, cent mètres derrière les autres.

9h19, Jean-Yves se signe. Je suis calme et je me place au milieu et derrière, comme à mon habitude. Il pleut toujours mais nettement moins, à présent.

9h20, …

SWIM : Papa, c’est loin l’Amérique ?

La natation de cet IM Barcelona est une des plus calmes et respectueuses que j’ai eu à vivre. Pas de coups, pas de psychopathes qui essaient de te noyer. En plus, le départ retardé et le gros orage du début de matinée nous font partir avec le courant favorable.

Je regarde mon Garmin à chaque bouée marquant 500m parcourus et le départ me semble rapide. J’ai mal aux épaules, cependant, mais cette douleur va rapidement disparaître. L’eau est claire et rend l’orientation très facile, et même si je me fais (déjà) rattraper par les GA (45-49, bonnets rouges) partis 3’ derrière, tout se passe bien.

Aux 1150m, passés en moins de 20’, il est temps de nager à contre-courant sur la longue ligne droite qui nous ramène à T1. 2350m, une éternité. Les bonnets verts des relais, partis derniers, nous chahutent un peu et les bonnets rouges calent un peu. Je suis très à l’aise à mon rythme de sénateur et je n’ai aucune intention de changer cet état de fait. Je reprends du monde parti 3, 6, 9’devant moi, je double des rouges, des roses, des bleus, des jaunes, et pourtant, à chaque 500m, quand je checke, mes chronos ne cessent de ralentir alors que je ne faiblis pas.

A mi-parcours, l’eau devient chargée de saletés charriées par le ruissellement des eaux de pluie. Les bouées sont néanmoins très visibles et l’orientation est toujours aussi facile. Je me rends soudain compte que la pluie s’est arrêtée de tomber depuis un bon moment et un soleil timide point derrière des nuages moins menaçants qu’il y a une heure encore. C’est une excellente nouvelle et moi qui n’ai jamais nagé plus de 3000m jusqu’alors, je termine cette partie natatoire dans le calme, presque tranquillement.

Je pose le pied sur la terre ferme en 1h25’30, l’organisation me donnera 1h26’15. Satisfait, puisque j’avais prévu un chrono compris entre 1h25 et 1h30. Déçu, puisque sans le courant contraire, j’avais les moyens de me surprendre positivement. 2015 sera l’année de mes progrès en nat’, chiche !

T1

Je perds pas mal de temps en T1, pas habitué à m’assoir sur un banc un peu étroit, pas habitué à me foutre à poils pour me changer intégralement. Je croise Fred qui est sorti devant et on s’encourage. Je laisse les chaussettes dans le sac, de toutes façons mes chaussures de vélo attachées par les élastiques doivent être emplies d’eau à cette heure.

Je m’élance pour récupérer mon vélo au bout de près de 5’. Il faudrait ajouter à T1 le temps de courir hors du parc avec le CLM, mais bon ! On n’est pas à çà près, si ?

BIKE : l’école de la patience

Le parcours est constitué d’une micro-boucle de 3km afin de sortir de Calella, de deux boucles de 75km qui nous amènent aux portes de Barcelone le long de la mer, d’une troisième boucle (plus courte) de 20km+ sur le même parcours et enfin de la micro-boucle de retour.

Ce parcours fera couler beaucoup d’encre, la majorité des athlètes performant ayant drafté comme des salopards et j’ai cru comprendre qu’il sera modifié lourdement l’an prochain et correspondra plus à un profil de grimpeur comme pour le 70.3.

En tous les cas, pour ma part, je prends le parti de respecter le plan A (debout sur les freins pendant six heures !) et d’écouter les conseils que mes potes finisher m’ont distillés, à savoir : ne jamais avoir mal aux jambes sur le vélo.

Alors que je sors à peine de la zone urbaine, dans la première bosse, je remarque que mon Profile HC est tout de travers. Une pièce mobile est sortie de son logement sous l’effet d’une bosse ou d’un geste malencontreux... J’essaye en vain de le remettre tout en roulant, mais je suis contraint à m’arrêter sur le bas côté afin de réparer tout çà. Je ne m’énerve pas et parviens à tout remettre en ordre en une petite minute : çà commence bien !

Sur le premier tour, la route est encore mouillée, et les crevaisons sont nombreuses autour de moi. J’ai prévu de rouler entre 28 et 32km/h et mes temps aux cinq km me confirment que je suis plutôt dans la fourchette haute de mes estimations sur les trente-cinq premiers kilomètres. De l’autre côté de la chaussée, les premiers défilent, rapides comme le vent, et quelques minutes à leur suite, les trains des GA pédalent en deux pelotons groupés roue dans roue au nez et à la barbe des arbitres motorisés qui ne savent plus où donner de la tête et du carton rouge. Çà m’amuse plus que çà ne m’agace – je ne vise rien d’autre que le plaisir et l’honneur sur cette course. Je ne vise rien de moins. Et je me moque de ce que font les autres.

Je croise enfin une tête connue à cent mètres du premier demi-tour : Fred et sa grande carcasse ! Je lui assène un ‘j’arrive, loulou !’ goguenard et effectivement, quelques secondes plus tard, nous nous retrouvons. On roule côte à côte pendant une dizaine de kilomètres et j’avoue que je profite de l’allure un peu plus calme de Fred pour ralentir la cadence de peur de le payer plus tard. On croise Ghislaine qu’on encourage bruyamment !

Quelques minutes plus tard, un arbitre nous fait signe de nous écarter et Fred s’exécute ne souhaitant pas écoper d’une pénalité de six minutes. Je reprends imperceptiblement mon rythme naturel et ne sens pas Fred disparaitre de mes six heures.

Sur le retour, le vent s’est un peu levé et la vitesse chute inexorablement mais dans des limites acceptables.

J’ai mal à la nuque et, de fait, ressent de la difficulté à tenir une bonne position aéro. Bizarre, hier j’envoyais du steak avec une aisance déconcertante ! Est-ce du à la natation ? Pour le reste, je suis en super forme – bobo nulle part ailleurs. Je ne sens rien et j’essaie d’invoquer ma vie intérieure de peur de m’endormir.

Les kilomètres s’enfilent comme des perles et j’apprécie les encouragements des bénévoles et des spectateurs plus ou moins bruyants et nombreux selon les endroits. Le second tour se fait à peu près au même rythme que le premier et cette régularité me comble d’aise. Je suis tellement installé dans ce rythme souple que je ne pourrais pas vraiment accélérer même si je le voulais…

Pourquoi sortir de ma zone de confort alors que çà ne fait que quatre heures que le départ a été donné ? Il peut se passer tellement de choses encore.

Côté nutrition et hydratation, tout roule : je mange toutes les 25 à 30’ et je bois deux gorgées toutes les 10’ et même plus, le système d’hydratation du cintre permettant de boire plus et plus facilement. Je prends une capsule Saltstick toutes les heures.

Je commets juste la petite erreur de prendre un bidon d’eau au premier ravitaillement au lieu d’une boisson isotonique, mais çà n’aura aucune incidence sur ma performance.

A partir du deuxième tour, je commence à ruminer : c’est la quatrième fois que je roule plus de 120km… c’est la deuxième fois que je pédale plus de 135km… c’est la première fois que je parcours plus de 160km…

L’entame du dernier tour est libératrice. Je sais que je vais boucler les 180km en moins de 6 heures, sauf accident ou crevaison. Je sais que je n’ai ressenti aucun inconfort, aucune contracture, courbature ou début de crampe de toute la journée, juste une sensation de fatigue profonde un peu nouvelle pour moi. C’est inespéré vu mon passé de vieux crampeur. Je m'engage sur le rond-point du dernier demi-tour sans certitude aucune: personne n'indique le chemin et il n'y a pas de marquage au sol - bizarre!

Les trois derniers kilomètres se font lentement et prudemment, les dos d’âne succédant aux virages dangereux à angle droit. J’arrive à T2 presque circonspect et déstabilisé de me sentir si bien. Si facile.

Mon Garmin me donne 5h51’40, L’organisateur note 5h53’50 qui incluent les 2’ manquantes à T1 ! En même temps, je n'ai 'que' 178km au compteur...

T2

Encore une transition zarbi ! En effet, on prend la tente de transition dans le sens opposé à celui de T1 et le tapis de contrôle des time-chips est situé à l’entrée de la tente, ce qui vous donnera l’impression, au cours du live, qu’on a fait des T2 de fou et qu’on s’est traînés sur les premiers kilomètres du marathon !

Je me change une nouvelle fois intégralement pour enfiler un short de running et un maillot Zerod avec des poches à l’arrière. Je mets des chaussettes cette fois, enfile mes Asics Nimbus et chausse ma casquette. Pour finir, et avant de me lancer dans l’inconnu d’un marathon d’Ironman, je me frictionne les jambes au Synthol : çà ne peut pas me faire de mal, si ?

Je gicle des starting-blocks au bout de 6’30.

RUN : c’est bon, chérie ? On est repartis pour un p’tit 400 ?

Le parcours càp est encore plus simple que celui du vélo. On cours les deux petits kils qui nous séparent de l’arrivée et qu’on avait faits sous la pluie pour rejoindre le départ le matin même, et ensuite, c’est quatre boucles de 10kils jusqu’au nirvana.

Je cours sans difficulté dès le début, pas de crampes, pas de douleurs d’aucune sorte. Je fais juste un arrêt aux stands au bout de quatre kilomètres pour une petite miction. Je me souviens, un peu tard, que j’ai encore du Synthol sur les doigts. Autant sur les jambes, je n’ai pas forcément ressenti l’impact vivifiant du produit, autant là…

Je repars, et, à un moment (que j’ai du mal à me remémorer), je décide de continuer à jouer petit bras en marchant à intervalles réguliers. Je n’ai pas l’impression d’en avoir besoin, mais un truc dans mes tripes me rappelle mon plan de base et mon envie de terminer ‘propre’. Comme j’ai explosé sur les deux marathons secs que j’ai eu à courir jusqu’à présent, cette décision n’est pas dénuée de fondement ou de bon sens.

Comme pour justifier mon choix, je rentre dans un protocole marcher/courir de type ‘Cyrano’, et j’invoque l’esprit de ma chère et tendre dans une séance virtuelle et mentale de 400m ! ‘Allez, ma chérie ! On est partis pour un p’tit 400m souple, et après on marchera 100m pour récupérer’… T'inquiète, c'est juste quarante répétitions!

J’entre alors dans une bulle, quasi autistique, et, même si je n’ai mal nulle part, pas l’ombre d’une contracture, rien, je m’accroche à ce modus operandi qui n’appartient qu’à moi, à ce moment.

Je ne vais pas vous mentir : le marathon est super pénible, quand même. A partir de dix heures de course, je commence à vraiment trouver le temps long, et même si je croise Fred, Eric et Jean-Yves à différents moments, çà reste une épreuve bien solitaire.

Seule parenthèse dans ma routine, je commence à être saisi d’une envie pressante nécessitant un peu plus de temps qu’une vidange rapide. J’arrive dans la zone des WC de chantier, et là, fermé, fermé, fermé, fermé, ah ! ouvert… Je me précipite à l’intérieur et je découvre une vision d’horreur : j’ai été précédé dans cet ‘exercice’ par une horde de barbares sans éducation et le maigre espace intérieur est maculé d’excréments du sol au plafond. Je vais perdre près de quatre minutes à nettoyer, comme je le peux, la cuvette, l’abattant et les parois verticales avant même d’envisager poser mon auguste séant sur ce pourvoyeur diabolique de maladies du moyen-âge : le virus ebola et la chiasse alsacienne ne passeront pas par moi ! Par acquis de conscience, j’actionne le levier de la chasse d’eau et miracle ! Elle fonctionne parfaitement… mes prédécesseurs auraient du l’essayer, eux aussi !

Concernant ma bobologie, au 24ème kilomètre, mon orteil se réveille (vous savez, celui que je me suis luxé au judo, comme un blaireau, trois semaines avant ?). Au 30ème, la voûte plantaire du même pied commence à me brûler. Rien de rédhibitoire ou de bien méchant…

Au 27ème kilomètre, je décide de marcher un kilomètre complet, sans raison apparente, juste pour voir et préciser mon allure. Verdict : 9’47. Je commence à calculer… Quinze kils à 10’ sont égaux à 150 minutes, ou 2h30’. Si je marche jusqu’au bout, je termine en moins de treize heures. J’aurais signé pour çà, ce matin même. Rassuré, je reprends ma course.

La nuit est tombée depuis longtemps, et je croise des coureurs en panne, allongés sur un banc, par terre en plein malaise et dans le même temps, je n’en peux plus des ravitos sucrés : carton rouge à l’organisation de ne pas avoir prévu de fruits secs ou de bretzels et autres TUC…

Au dernier demi-tour, km 37, il me reste 5km200 à parcourir et j’en suis à 11h51’ depuis le départ. Je calcule, encore, rapidement et il me faut réaliser quatre kils à 8’ et 1 à 7’ pour terminer sous les 12h30. Ce nouvel objectif, cet os à ronger, ce but retrouvé qui me faisait défaut depuis un moment va me donner un dernier coup de boost en cette fin de course.

Je vais marcher 100m et courir 900m chacun des cinq kilomètres qui me séparent encore de l’arrivée. Je continue de m’arrêter aux ravitos, sauf le dernier que je zappe.

On y est ! C’est fini, terminé. Toujours pas de crampes. Globalement bien après plus d’une demi-journée d’efforts. Et ce sub-12 qui me paraissait inatteignable hier encore, j’en viendrais presque à regretter de ne pas avoir fait la course, de ne pas avoir joué le jeu du triathlon pour l’atteindre ! Pas grave ! Je tenterai la performance sportive la prochaine fois.

Parce qu’il y aura une prochaine fois. Bientôt ! Je n’ai pas l’effet ‘plus jamais çà’, je ne vois pas ma vie défiler devant mes yeux, je ne suis pas saisi d’une émotion irrépressible qui me submergerait au moment de franchir la ligne. Au contraire, j’accélère encore, et je me présente tellement vite sur la dernière ligne droite que le speaker n’a pas le temps de lire correctement mon nom.

Mais je m’en moque ! Sébastien Bouche, you’re an Ironman ! Je serre les poings et cette manifestation de bonheur heurte ma pudeur. On m’accroche la médaille au cou, à l’envers. Je capte une bouteille d’eau et j’avance, tranquillement vers la zone de repos en oubliant d’arrêter mon chrono.

J’ai couru le marathon en 4h51’, l’orga’ me donnera 4h53’30 en y intégrant les minutes de changement dans la tente. Si on déduit les minutes pendant lesquelles j’ai joué à Monsieur Propre et mon kilomètre marché par choix, çà fait un marathon pas ridicule du tout qui me donne des perspectives intéressantes pour la suite !

Et maintenant, que vais-je faire ?

Si vous avez réussi à survivre à ce compte-rendu, je vais alléger votre peine en terminant un peu abruptement, pas la peine d’en rajouter (même si je sais que vous adoreriez me lire encore pendant des heures !).

On se retrouve avec Fred et François après la course. On ira manger une nouvelle pizza avec bonheur, et, la nuit sera courte. Malgré la douleur au genou de Fred qui l’a empêché de courir comme il l’aurait souhaité, chacun a bien vécu sa course : Oscar qui claque une énorme performance, François qui a lui aussi assuré, ... Seule Ghislaine n'aura pas passé le cut-off du vélo pour cinq malheureuses minutes, mais elle a l'air toujours aussi joviale et heureuse d'être là!

La route le lendemain sera plus compliquée. Longue et un peu monotone, elle sera néanmoins l’ultime occasion de découvrir d’autres facettes de mes compagnons de voyage : deux gars de valeur qui ont plein de choses à me raconter et à m’apprendre (merci les lapins ! J’ai adoré partager ces moments avec vous deux). On se voit à Royan en septembre prochain, Fred !

Sur une note personnelle, et pour la première fois, je ne ressens aucune contrainte musculaire dans les jours qui suivent, juste une intense et profonde fatigue générale (dingue, non ?). Par contre, je suis fier de ma course et dire que je suis heureux constituerait un doux euphémisme…

L’année prochaine, j’attaque le Ch’triman XXL par la face Nord. On en reparle bientôt !

IM Barcelona, 5 octobre 2014
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J
Ouaaaaa !!! J'ai fini .<br /> Super course ! Super gestion ! Ça donne envie d'être à vos côté les mecs !!!<br /> Have fun
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S
Merci, loulou... c'est marrant! çà marque le départ d'un nouveau truc en mode [çà, c'est fait!: on] :)
J
Bravo Seb, j'étais sûr que tu finirai mais avec ce temps là encore bravo!<br /> je retire ce que j'ai dit y a quelques mois: Tu cours comme tu écris :)
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S
Si je peux le faire, tout le monde peut! Mais merci pour le compliment: je prends!!!
K
Un grand bravo Séb' !<br /> On a l'impression que tu as fait la course dans un fauteuil, sacrée gestion !!<br /> Merci pour ce beau moment de littérature même si je fais parti des fâché-perturbés 8-)
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S
Même pas vrai... le Robin que je connais ne serait pas perturbé par si peu... Si?<br /> Bises, lapin!
C
t'es un tueur Seb. A bientôt
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S
Je viendrais bien manger une 'poutine' à DK avec toi, un de ces quatre... faut que je retrouve le nom de ce restau...
T
Bravo à toi, rdv sur le chtriman:-)
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S
çà va fighter (ou pas)...

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